COLORI : comprendre le numérique sans écran

Et si on pouvait s’initier à la technologie et au codage dès le plus jeune âge, sans écran ? C’est ce que propose la méthode COLORI. Inspirée de la pédagogie Montessori, elle essaime partout en France avec des ateliers basés sur le jeu et la narration. Objectif : développer un regard critique sur la place des écrans et l’usage de ces nouveaux outils. On en parle avec Amélia Matar, co-fondatrice de l’entreprise COLORI.

Comment est né le projet COLORI ? 

Il y a quelques années, je suis devenue maman. J’ai fait le constat que les jeunes enfants passaient beaucoup de temps sur les écrans et qu’il existait peu de supports pour apprendre à utiliser ces outils à bon escient. Je me suis penchée sur le marché américain, notamment sur les travaux de Kimberly Smith qui propose, avec sa méthode Learning Beautiful, d’initier les enfants au numérique sans écran. Mais rien sur le marché français ! 

Après plusieurs ateliers expérimentaux inspirés de la méthode Montessori, j’ai cofondé COLORI avec mon associée Perrine. Nous nous sommes entourées de spécialistes de la pédagogie pour développer une approche centrée sur le conte et le jeu. L’entreprise possède l’agrément ESUS, entreprise sociale d’utilité solidaire.

Quels sont les engagements pris par votre entreprise ?

COLORI offre à tous, petits et grands, les clés de lecture pour comprendre la révolution numérique et faire le meilleur usage possible de ces outils. Nous travaillons avec des touts petits, car les premières années de vie sont déterminantes pour permettre aux enfants de grandir en citoyens face aux enjeux technologiques et démocratiques du numérique. 

L’entreprise attache une importance capitale à la place des filles et des femmes dans les métiers de la tech. Les hommes dominent largement ce secteur rémunérateur et hautement stratégique, et c’est très dommageable ! Les ateliers menés dès le plus jeune âge favorisent le goût pour la technologie et les sciences. Nous nous adressons à tous les publics, peu importe le milieu social et la zone d’habitation, pour promouvoir l’égalité des chances et lutter contre la fracture numérique. 80 % de nos interventions sont menées en partenariat avec des organismes publics et sont proposées gratuitement aux participants. 

Votre spécialité : accompagner les enfants et les adultes dans leur compréhension du numérique, sans écran. Quels sont vos supports pour y parvenir ?

Pour aider nos publics à comprendre les fondamentaux de la technologie, nous avons créé une soixantaine de jeux de manipulation. Ils sont divisés en trois grands modules : fonctionnement des algorithmes (langages de programmation, développement informatique…), culture technologique (vocabulaire, figures et perspectives historiques...) et numérique responsable (différence entre un usage épanouissant et un usage nuisible, empreinte écologique...). 

Concrètement, cela se traduit par un conte, mais aussi des jeux de plateau, des jeux de carte, de motricité, et même la programmation d’un robot. 

Vous avez récemment développé la Fresque des écrans.
De quoi s’agit-il ?

Depuis le début de l’aventure, nous recevons beaucoup de demandes pour intervenir auprès d’un public adulte. Aussi, j’ai choisi de m’associer à Juliette Hirtz, ancienne conseillère de la présidente de la CNIL, et Marie Danet, docteure en psychologie, pour concevoir une fresque à la manière de celles du climat ou de la biodiversité. Objectif : permettre à tous, dès l’âge de 11 ans, de comprendre les enjeux de la numérisation de la société, les impacts du numérique sur les individus, leur corps, leurs relations, leurs émotions. 

Dans la première partie de l’atelier, nous évoquons l’économie de l’attention, les données personnelles, les opinions sur Internet ou encore les questions de design d’application. La deuxième partie se concentre sur les solutions : chaque participant s’engage sur des actions concrètes pour faire du numérique un outil et non un problème. 

À quoi ressemble un atelier dans une école ou un centre de loisirs ?

Nous proposons aux enfants plusieurs activités en simultané. Les participants évoluent d’atelier en atelier à leur rythme et selon leurs appétences. Cette forme d’autonomie est un moyen de déclencher la motivation des enfants et de leur donner envie de progresser dans leurs apprentissages. 

Nous sommes également sensibles à la posture de l’adulte. Les animateurs sont formés sur la question des besoins émotionnels des enfants. La bienveillance est au cœur de nos ateliers ! Le matériel utilisé est de bonne qualité, produit en France et graphiquement abouti. Nous sommes en effet convaincus que les enfants sont sensibles à l’esthétique. Cette approche qualitative est très appréciée de nos publics, ce qui nous vaut une note de 4,7/5 ! 

Comment intervenez-vous dans les entreprises ?

Plusieurs interventions sont possibles : la fresque des écrans, pour les salariés, des ateliers pour les enfants des collaborateurs, mais aussi des conférences sur la parentalité numérique. C’est un axe stratégique pour les DRH qui fidélisent leurs équipes et soignent leur marque employeur en proposant un accompagnement spécifique aux jeunes parents. 

Pourquoi avoir choisi de former la communauté éducative à votre méthode ?

Pour accélérer l’essaimage auprès de tous les enfants ! Notre formation certifiée Qualiopi permet aux animateurs, enseignants et éducateurs de s’approprier notre méthode, d’acquérir notre matériel et de déployer des ateliers en toute autonomie. 

En quoi votre action aide-t-elle à dépasser les stéréotypes de genre ? 

Les stéréotypes de genres dans la tech sont une réalité. Les travaux d’Amanda Sullivan, notamment, montrent qu’introduire la technologie dans la vie des jeunes filles augmente leur envie d’embrasser une carrière dans les sciences ou la tech. C’est ce que nous faisons chez COLORI, en intervenant à des âges où la question du genre n’est pas encore active sur ces sujets. 

De la même manière, nombre de propositions narratives autour des sciences mettent en scène des garçons… Le conte créé par notre équipe se focalise donc sur un garçon et une fille, dans un souci d’équité. Nous avons également imaginé un jeu de cartes autour des femmes célèbres de l’informatique. Beaucoup de femmes ont en effet œuvré de manière significative pour son développement avant qu’il ne devienne un puissant secteur économique.

En quoi est-il nécessaire d’accompagner les enfants et les adultes dans leur usage du numérique ?

Le récent rapport sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans ne fait que confirmer l’ambivalence du numérique. Les jeunes peuvent bénéficier d’une montée en puissance, d’un accompagnement des apprentissages, d’une émancipation via ces nouveaux outils. Mais ils peuvent aussi être dans la situation inverse, asservis à des logiques algorithmiques qui captent tout leur temps et leur attention.

Par sa mission, COLORI contribue à éduquer largement enfants, parents et éducateurs pour que le numérique soit à sa juste place, loin des aspects délétères et de l’exposition à des contenus inappropriés. 

Que vous apporte votre participation au conseil collégial de Class’Code ?

Pour offrir une réponse efficace aux enjeux du numérique, il nous faut travailler dans la concertation. Cela nous a semblé évident de collaborer avec d’autres acteurs qui offrent des solutions ! Avec Class’Code comme dans d’autres structures fédératives, nous apprécions l’intelligence collective qui émerge sur des sujets complexes. C’est aussi un bon moyen de rester en veille sur l’écosystème de l’éducation au numérique.