Ce billet est paru dans la revue EpiNet numéro 196.
La France à décidé que la formation aux enjeux numériques et aux compétences qui y sont liées (informatiques et au-delà) serait proposée à toutes et à tous dès la rentrée 2016.
Voici ce que – avec un an de recul – nous pouvons partager.
« Pour relever ce défi. Il y a deux enjeux majeurs: la formation des professionnels de l’éducation (enseignants, animateurs) et celle de la mobilisation de la société civile (faire comprendre la nécessité de cette éducation). En effet, nous vivons une époque qui est traversée par des révolutions technologiques et sociétales., Il faut donc permettre à chacune et chacun de jouir pleinement de sa citoyenneté en maîtrisant fondements et outils des mondes numériques, et en se construisant un esprit critique sur notre société en mutation et la place des mondes numérique »
Que l’EPI [1] Enseignement Public et Informatique ou la SIF [2] Société Informatique de France défendent cela ne surprend pas. Mais qui exprime cette vision ? C’est plus d’une trentaine de partenaires académiques, industriels et de l’éducation populaire qui agissent concrètement au niveau de plusieurs projets du programme d’investissement d’avenir qui ont en commun :
– le partage d’une culture scientifique et technique,
– une démarche de créativité numérique, critique et responsable,
– le développement d’une pédagogie active, bienveillante et participative.
Ces projets, financés par la force publique, répondent de manière concertée et complémentaire aux vrais besoins des éducateurs sur ces sujets et plusieurs milliers de professionnel-le-s de l’éducation commencent à profiter de cette quadruple offre. Class´Code, pour ne citer qu’un exemple, a touchés plus de 20 000 personnes [3], y compris au niveau [4] de la formation à l’ICN [5], et cela est vrai d’autres projets comme D-clics numériques [6].
http://voyageursducode.fr
https://www.code-decode.net http://d-clicsnumeriques.org https://classcode.fr http://capprio.fr
Quelle vision commune et quelle volonté partagée par ces projets ?
Ce qui rassemble ces projets est une vision commune et une volonté partagée de faire avancer l’éducation au numérique. « C’est-à-dire la nécessité d’un apprentissage du code qui s’intègre dans une éducation plus large par et avec le numérique ; qui aide à une vraie diversité et équité sociale face au numérique et contribue à redonner les libertés de créer et de faire :
L’éducation, en soi, n’est pas et ne peut être un bien marchand.
L’égalité d’accès, de pratique et d’éducation est un défi prioritaire pour une république numérique qui soit réellement inclusive.
Cette égalité doit s’implémenter dans l’accompagnement et la formation de tous les acteurs qui interviennent dans l’École et dans la Cité.
Par sa nature, le numérique redéfinit les rôles et postures de chacun au sein des (techno-) structures, ouvrant la porte à la co-gestion, aux modèles collaboratifs ou ouverts. » qui les rassemblent.
Apprendre à travers un travail de recherche collectif, « si tu m’enseignes je me souviens, si tu m’impliques j’apprends ». © CC-BY vsp.fr
Ces quatre projets disent encore : « Contribuer à ce que tout le monde soit acteur du numérique, signifie que chaque personne peut atteindre son meilleur niveau de développement, participer pleinement à sa citoyenneté à l’ère numérique, vivre le numérique de manière inclusive au quotidien. C’est aussi développer un esprit critique vis à vis du paysage et des outils numériques, par exemple sur les aspects environnementaux, ou la concentration de nos données dans quelques mains.
Il s’agit de servir l’intérêt public et de produire un bien commun éducatif : les outils qui y sont produits en commun sont libres et ouverts, et la genèse de ces outils est accessible aux usagers de manière transparente et participative. La collaboration est au centre de cette dynamique. Ces projets s’appuient tant sur des modèles économiques divers et innovants, que sur une démarche au service de l’intérêt général. »
Les valeurs [7] communes ? #équité-sociale #égalité-des-genres #solidariité #citoyenneté.
L’informatique c’est aussi pour les garçons 🙂 Dans les faits ces activités techniques se réalisent sans aucune asymétrie de genre. © CC-BY vsp.fr
Nous voilà bien loin de simplement proposer d’apprendre quelques modes d’emploi d’outils numériques ou de joujouter avec Scratch ou des objets connectés. On parle bien de développer de nouvelles compétences pour décoder et maîtriser le numérique.
Et quel positionnement face aux mouvements politiques ?
En ce printemps électoral 2017, tous les mouvements politiques [8] parlent d’éducation et de numérique dans leur programme. Mais la vision et les valeurs présentées ici ne se retrouvent que de manière morcelée dans ces programmes politiques. Pourtant les quatre projets sont à la fois (i) des actions concrètes déjà au service des citoyennes et citoyens, et (ii) des actions transitoires vers une montée en charge de l’éducation au numérique (informatique et littératie numérique) telle que proposée ici.
Ainsi les formations des professionel-le-s de l’éducation que réalisent ces projets se donnent un objectif précis et limité : permettre aux enseignant-e-s et animateur-e-s d’initier les jeunes à l’informatique, sans oublier la nécessité de cette initiation effectuée à tous âges, et tous les jeunes (donc à travers l’éducation nationale). On y vise ici à former aussi celles et ceux qui seront en interaction avec les futur-e-s professeur-e-s d’informatique.
Cependant, même une formation minimale [9] de plusieurs heures n’est possible que si de vrais moyens en temps sont donnés aux enseignants. La mise en place d’une formation hybride (en ligne et présentielle) grâce au numérique permet de mieux travailler ensemble, de lisser ce temps de formation mais pas de le contracter.
Il faut réaliser aussi qu’à terme les jeunes ne se satisferont pas d’être (par exemple) initiés à Scratch du primaire au lycée, mais voudront aller plus loin à la fois (i) en informatique, et (ii) au niveau des compétences nouvelles qui émergent avec le numérique.
Texte collectif des partenaires de projets Capprio, Class´Code, D-clics numériques, et Voyageur du Code, co-publié avec la SIF et l’EPI.
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité – Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
NOTES
[2] http://www.societe-informatique-de-france.fr/
[3] Quelques chiffres sur Class´Code. Fin avril 15 000 personnes sont inscrites sur les formations en ligne liées au primaire et collège (dont plus de 50 % ont profité des formations) et 4 500 inscrites sur les temps de rencontre (dont quelques centaines déjà formées); de plus 7 500 sont inscrites pour la formation en ligne au MOOC ICN (dont plus de 750 ayant achevé la formation au bout de deux mois) ; le site de ressources associé https://pixees.fr reçoit environ 500 visites/jour (depuis janvier 50 000 sessions de 37 000 utilisateurs avec un taux de rebond <56 %, par exemple 4 500 visites de 10 minutes en moyenne sur le module 1 et >12 000 visites sur la page d’accueil), et le bureau d’accueil en ligne gère plusieurs demandes par semaine (> 500 demandes depuis le lancement du projet).
[4] Extension MOOC-ICN de Class´Code. Il y plus 7 500 inscrits au 1er mai (selon les 500 premières réponses au questionnaire sur votre profil, il y a 47,53 % d’enseignants, 11 % de salariés d’une entreprise et 10 % de salariés de la fonction publique, 10 % en recherche d’emploi, 8 % d’étudiants et 5 % de retraités… Pour les enseignants du secondaire qui sont directement concernés par ce MOOC, c’est majoritairement des enseignants de mathématiques (46 %) et de physique (15 %), 11 % en STI 8 % en technologie. À propos d’informatique et de sciences du numérique, ils-elles se déclarent plutôt de niveau débutant (38,40 %) ou intermédiaire (40,49 % ), peu en avancé (14,07 %). Le taux de satisfaction mesuré à 3 semaines est de 84 % de satisfaits ou très satisfaits, et les retours qualitatifs sont unanimement positifs, plusieurs centaines de messages sur le forum.
[5] https://pixees.fr/mooc-icn-de-linformatique-de-la-creation-du-numerique-des-le-20-fevrier/
[6] Le projet D-Clics numériques c’est aujourd’hui :
– sept parcours éducatifs clés en main correspondant à 70 heures d’activités accessibles gratuitement y compris sans compétences préalables ;
– sur le volet formation : 250 formateurs répartis sur tout le territoire métropolitain et en outre mer, déjà 2 500 professionnels de l’éducation formés dont environ 30 % d’enseignants;
– sur le volet mobilisation : 2 000 volontaires, bénévoles et réservistes de l’éducation nationale mobilisés qui mènent des actions d’inclusion numérique dans 41 départements.
[7] On parle ici d’une vraie égalité des chances, donc de donner plus pour aider ce qui en ont le plus besoin.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Égalité_des_chances#L.27.égalité_des_chances_en_France:_effet_de_la_loi_de_2006
[8] En regardant les programmes des formations politiques (qui ne font pas injure à notre démocratie) et qui seront présentes aux législatives, on relève les éléments suivants:
– Le programme des républicains propose de mettre en place un CAPES informatique pour développer le recrutement d’enseignants en informatique de niveau master, qui l’enseigneront au collège, et initier à la programmation, au codage et à l’algorithmique sur le temps consacré à la technologie.
– Du côté du mouvement « En Marche ! », il n’y a rien d’explicite dans le programme quant à une éducation aux fondements du numérique (on parle uniquement d’éducation avec le numérique) mais l’informatique semble devoir être liée spécifiquement aux mathématiques.
https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme
– Le parti socialiste et ses alliés ont eux-mêmes mis en place une véritable éducation au code dans le domaine péri-scolaire et scolaire avec cette volonté d’ouverture d’une initiation à l’informatique à la fois bien identifiée et ouverte sur la multi-disciplinarité et les approches pédagogiques en rupture.
– Le mouvement de la France insoumise promet une agrégation d’informatique et s’inscrit dans le mouvement initié par les autres mouvements politiques de l’éducation dite du code, en mettant en priorité la réduction des inégalités.
[9] Croire que l’on résout le problème de l’éducation au numérique par une ou deux heures de sensibilisation revient simplement à penser qu’il suffit d’un brevet de secourisme pour exercer la médecine. Ce sont souvent ceux qui n’ont même pas leur brevet de secourisme (qui ne mesurent donc pas les choses) qui pourraient le croire.