Bonjour Fanny, peux-tu te présenter ?
Bonjour Benjamin ! Je suis depuis peu chargée de projet Class’Code au sein de l’Université de Nantes, partenaire historique du projet Class’Code. Je suis notamment en charge de coordonner le maillage territorial du programme Class’Code en région Pays de la Loire. En d’autres termes, il s’agit d’informer et d’accompagner les structures et les bénéficiaires de la formation dans la mise en œuvre des activités liées à Class’Code, de développer et consolider des partenariats, mais également de promouvoir les parcours proposés au sein du territoire et de contribuer à la mise en place d’outils d’évaluation du projet. Auparavant, j’occupais cette fonction au sein de l’association PiNG une association active depuis 2004, basée à Nantes, et qui cherche à décrypter le monde numérique dans lequel nous vivons et à permettre à chacun de s’approprier les technologies qui nous entourent.
Comment as-tu rejoint le projet Class’Code ?
J’ai pour la première fois entendu parlé du projet Class’Code en mars 2016 lorsque PiNG a été sollicitée par l’Université de Nantes pour devenir partenaire du projet. A cette époque, j’étais chargée à PiNG d’animer une carte participative des lieux de médiation numérique en région Pays de la Loire. Depuis 2011, PiNG anime le réseau de la médiation numérique en région Pays de la Loire. Par le biais de la plateforme en ligne http://www.parcoursnumeriques.net qui héberge la carte sur laquelle je travaillais, et de rencontres régulières in situ, Parcours Numériques fait se croiser et s’exprimer les acteurs du réseau des espaces numériques de la région. Il s’agit d’un réseau qui valorise les initiatives locales et encourage les croisements à plus grande échelle : croisement d’expériences, de compétences, de personnes, de réseaux, mais également entre institutions impliquées dans le soutien à la médiation numérique.
Le point de convergence entre Class’Code et PiNG était donc trouvé ! J’ai ainsi rejoint Class’Code en tant que coordinatrice territoriale fin avril 2016 pour coordonner le programme pendant la phase expérimentale d’avril à juin 2016 puis pendant le déploiement national qui a eu lieu en octobre 2016. Depuis début février 2017, je poursuis ce travail au sein de l’Université de Nantes.
Tu as pour mission de déployer le programme Class’Code sur ton territoire, peux-tu nous décrire les grands enjeux de cette mission ?
Vaste sujet et grands enjeux en effet !
Le premier, c’est bien évidemment de répondre à un besoin de formation. Avec l’introduction de l’apprentissage du code au socle commun de connaissances et de compétences depuis la rentrée 2016, Class’Code propose une solution pour répondre au besoin de former les professionnels de l’éducation. Cela va bien au-delà du simple fait de savoir coder, il s’agit avant tout de comprendre les fondements de la culture informatique pour mieux appréhender les enjeux de société liés. Le numérique est omniprésent et les technologies évoluent vite ; les futures générations doivent pouvoir prendre part à ce monde en constante évolution et y poser un regard critique. Il est donc nécessaire qu’enseignants de toute discipline, animateurs, mais aussi tout ceux qui se sentent concernés (comme toi et moi !) disposent des moyens nécessaires pour être en capacité de transmettre ces savoirs et cette culture aux jeunes.
L’autre enjeu majeur, c’est de créer des communautés locales autour de Class’Code. L’une des originalités de Class’Code repose sur les temps de formation en présentiel dits « temps de rencontres ». Ces temps de rencontres permettent aux participants d’échanger entre eux, de revenir sur ce qu’ils ont abordé en ligne mais également d’apprendre via des « activités débranchées » créatives et ludiques. C’est aussi l’occasion d’échanger sur les pratiques de chacun à partir de leurs expériences. A travers ces temps de rencontres, Class’Code offre ainsi la possibilité de créer des tiers-lieux où les mondes scolaires et périscolaires, le milieu industriel et académique, les geeks passionnés de technique se croisent et s’entraident pendant et au-delà de la formation pour cette cause. Ces espaces d’échanges, dans la lignée de l’apprentissage social, contribuent à forger une culture commune autour d’un langage commun.
Dans ce prolongement, je rajouterai qu’un des enjeux est aussi de favoriser une meilleure équité territoriale en déployant Class’Code à la fois dans les zones urbaines et péri-urbaines mais aussi dans les zones rurales.
Enfin, en filigrane, c’est peut être aussi de dire que l’acte de se former ne doit pas être perçu comme une obligation ou une activité purement professionnelle. Certes Class’Code répond à un besoin professionnel et à un enjeu de société, mais derrière ça il y a aussi l’idée de donner envie d’apprendre et de partager.
Quand tu parles de Class’Code à des partenaires locaux, quels sont les arguments qui leur donnent envie de nous rejoindre ?
Nous travaillons avec des partenaires issus de réalités et de cultures professionnelles différentes. Il faut donc prendre en compte ces paramètres et proposer des solutions adaptées. L’idée est finalement de considérer Class’Code comme un outil, un moyen plus qu’une fin en soi.
Pour un enseignant ou une enseignante de primaire par exemple, l’approche narrative et ludique qu’offre Class’Code à travers ses activités débranchées est évidemment un argument important. La narration est une approche pédagogique intéressante qui fonctionne d’ailleurs pour tous les publics, jeunes et adultes ! L’autre point important est que ces activités débranchées proposent des outils concrets qui permettent d’être rapidement en situation d’animation. Ces arguments sont aussi valables pour tous les autres partenaires bien entendu !
Un autre argument, et là je pense notamment aux associations d’éducation populaire, aux espaces numériques, médiathèques etc., c’est que Class’Code peut tout à fait s’intégrer aux activités de formation existantes menées autour du code. La formation offre des ressources pédagogiques libres et gratuites qui peuvent être complémentaires et utiles aux animateurs et aux médiateurs.
Pour certains, Class’Code peut être aussi un outil permettant de fédérer son propre réseau (associatif, de partenaires etc.). C’est aussi un bon moyen de croiser d’autres réseaux, d’autres compétences et d’aller à la rencontre de professionnels habituellement éloignés. Surtout, ça donne la possibilité de faire vivre des communautés locales sur son territoire et de favoriser la création d’espaces d’échanges autour des enjeux soulevés par Class’Code.
C’est aussi un bon moyen de donner de la visibilité à sa structure auprès des différents publics qu’elle touche : grand public, professionnel, institutionnel etc.
Enfin, il faut souligner la grande liberté qu’offre Class’Code ! Chacun avance à son rythme grâce au parcours en ligne, et peut choisir les modules dans lesquels il souhaite se perfectionner en fonction de ce qu’il a envie d’apprendre, ou de ce que d’autres personnes autour de lui apprennent.
Et puis il est important de leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls et que nous sommes là pour les accompagner !
Si tu devais décrire le paysage Class’Code dans ta région à l’heure actuelle, que dirais-tu ?
La région Pays de la Loire, avec la région PACA, a participé aux expérimentations Class’Code qui ont eu lieu d’avril à juin 2016, ce qui facilite nécessairement le déploiement de la formation en Région. Il faut aussi rappeler que ce territoire est riche d’un réseau d’acteurs impliqués dans le numérique : associations, académiques, collectivités territoriales, industriels etc. Nous sommes donc assis sur un terrain plutôt fertile !
Depuis le déploiement national de Class’Code, nous sommes parvenus à être présents dans tous les départements de la région Pays de la Loire. Pour autant, si nous avons pu lancer une dynamique, il nous faut à présent la maintenir !
A l’heure actuelle notre réseau de partenaires est à l’œuvre : Les Petits Débrouillards vont prochainement proposer des temps de rencontres au Mans, à la Roche sur Yon et à Angers en collaboration avec des associations et en lien avec les Directions Départementales de la Cohésion Sociale (DDCS) dont l’une des missions est d’organiser et d’encadrer différentes formations sur le numérique.
En Mayenne, la Ligue de l’enseignement est en train de créer un collectif d’acteurs éducatifs du numérique avec les animateurs du territoire à qui sera proposée la formation Class’Code. Elle développe également un vaste projet de mobilisation citoyenne pour l’inclusion numérique « Les D-codeurs ». Ces volontaires en service civique seront accueillis dans des collectivités, associations, structures d’utilité publique et proposeront des temps d’animation en lien avec le numérique. Ces jeunes formés par D-Clics numériques seront également invités à se positionner sur les formations Class’Code. A noter également le travail fait en collaboration avec Réseau Canopé sur ce territoire qui a accueilli des temps de rencontres en collaboration avec la ligue de l’enseignement et le Cybercentre Annie-Dissaux.
Dans le Maine et Loire, Yvan Godreau animateur socioculturel au Centre social du Chemillois coordonne et organise des temps de rencontres depuis le lancement de Class’Code. Il réalise un formidable travail en mobilisant son réseau professionnel. C’est d’ailleurs une des seules structures qui est parvenue à faire se croiser des enseignants et des animateurs pendant les temps de rencontres.
Nous souhaitons également élargir notre réseau à celui des médiathèques. Nous travaillons actuellement avec la bibliothèque départementale de Loire-Atlantique, dont le réseau est constitué de bibliothèques présentes dans des communes de moins de 10 000 habitants tout en développant des partenariats avec des bibliothèques de villes démographiquement plus importantes. Nous allons ainsi pouvoir prochainement déployer Class’Code en dehors des gros centres urbains, ce qui est une très bonne nouvelle !
A Nantes, PiNG continue de se mobiliser sur le projet en accueillant notamment régulièrement des temps de rencontres. Les PEP44 (association d’éducation populaire) prévoient également de déployer la formation dès la rentrée prochaine, après avoir expérimenté le programme cette année. La Ligue de l’enseignement 44 envisage aussi de proposer des temps de rencontres sur le département.
Enfin, nous sommes actuellement en contact avec l’adjoint au DAN (Délégué Académique Numérique) 1er degré de l’académie de Nantes et essayons ensemble de coordonner des actions sur les différentes circonscriptions du territoire.
Peux-tu nous parler de la fameuse “méthode Fanny” qui pourrait être utilisée par d’autres mailleurs au niveau territorial ?
La fameuse méthode Fanny ? Il n’y a pas vraiment de recette prédéfinie ! Disons qu’à l’instar du projet Class’Code, ma méthode se veut agile ! L’important est d’être réactif et à l’écoute des demandes issues du terrain, qu’elles proviennent des participants ou bien des partenaires. L’idée, afin d’être efficace, est de pouvoir faire régulièrement des allers-retours entre les coordinateurs du projet et le terrain.
Et justement, il faut bien connaître son territoire et les acteurs qui s’y trouvent. Un réseau est constitué de personnes, il faut donc aller à leur rencontre et construire une stratégie collective en activant les bons leviers. Pour cela, je crois qu’il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur notre réseau de partenaires nationaux (réseau Canopé, la Ligue de l’enseignement, les Petits Débrouillards, les PEP etc) qui peuvent nous orienter sur les personnes à contacter localement.
Je crois également qu’il est primordial de personnaliser les échanges, d’accompagner de guider, orienter, écouter, etc. Ce n’est ni plus ni moins un travail d’animation et de coordination qui demande nécessairement du temps, de la patience et de l’investissement !
Une des forces de Class’Code réside aussi dans son équipe. C’est bien connu, on avance toujours plus loin grâce à un collectif. Même si nous sommes tous éparpillés au quatre coins de la France y compris en Martinique, il est important de bien communiquer entre nous, et de partager nos retours d’expériences, nos bons-tuyaux etc. Il faut coupler animation de réseau sur son territoire et animation de projet et d’équipe !
Quelles sont les difficultés auxquelles tu te confrontes au quotidien dans ta mission ?
Comme dans tout projet, on est confronté à des difficultés et ce ne serait d’ailleurs pas drôle s’il n’y en avait pas !
On travaille avec des acteurs qui appartiennent tous à des réseaux différents et qui n’ont pas les mêmes fonctionnements, la même culture professionnelle et les mêmes temporalités. C’est donc un défi de monter un réseau constitué de partenaires hétérogènes car il s’agit là d’animer un méta-réseau dans lequel se trouvent de multiples sous-réseaux ! C’est tentaculaire et ça demande du temps ! Il y a un besoin immédiat de former et en même temps certains processus mettent plus de temps que d’autres à se mettre en place.
Le travail de maillage territorial implique de trouver des structures qui souhaitent ouvrir des temps de rencontres. La difficulté réside dans le fait de trouver un juste équilibre entre les temps de rencontres proposés et le nombre d’apprenants inscrits. Aujourd’hui le risque est de proposer des temps de rencontres qui ne se remplissent pas et donc de mettre à mal une dynamique naissante. Pour ça, Il faut pouvoir créer les conditions d’expression du besoin afin d’être en capacité d’y répondre, et ça passe nécessairement par une communication ciblée.
Et enfin, une autres des difficultés est de convaincre de l’importance d’articuler le temps scolaire et le temps périscolaire car c’est un des enjeu majeur de Class’Code ! C’est compliqué parce que ça sort des habitudes et il faut pouvoir dépasser ces clivages. Ce sont des mondes professionnels qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble et il faut pouvoir les convaincre de ce qu’ils ont à gagner collectivement.
Quels sont tes objectifs pour développer le programme en 2017 ?
Créer une vraie dynamique de réseau qui soit pérenne et travailler de pair avec des lieux coordinateurs qui se positionnent en relais sur leur territoire. Dans un premier temps s’appuyer sur notre réseau de partenaires pour que petit à petit nous montions en puissance en élargissant le réseau à d’autres partenaires. En gros et pour parler plus trivialement l’objectif est de créer un effet « boule de neige ». On sait que plus on aura de retours d’expériences, de témoignages, plus il sera facile de convaincre les partenaires et plus on sera en capacité de répondre aux besoins en apportant les améliorations nécessaires à Class’Code.
Un des leviers, c’est bien évidemment la communication. Communiquer au niveau régional pour faire connaître le programme, recenser les besoins et proposer une offre de formation adéquate. Mobiliser les médias locaux pour qu’ils puissent relayer auprès du grand public. Enfin mieux valoriser les retours d’expériences, en donnant à voir ce qui se fait sur le territoire.
Nous sommes actuellement sur la préparation d’un événement sur une journée fin mars dans le cadre de la semaine de l’Open Education et dans laquelle Class’Code sera présentée > plus d’infos prochainement !
Dans un second temps, pourquoi pas impulser et accompagner des initiatives personnelles. En effet tout participant peut créer lui-même un temps de rencontre s’il le souhaite ; nul besoin d’agir au nom d’une structure ! Il suffit d’un lieu, d’une connexion Internet et le tour est joué !
Pour finir, entre nous, quels partenaires locaux souhaiterais-tu voir rejoindre le mouvement cette année ?
Si le réseau de la médiation numérique est mobilisé sur le projet via nos partenaires nationaux et le réseau régional « Parcours Numériques » animé par PiNG, nous sommes peu présents dans celui de l’Éducation nationale.
Nous aimerions notamment engager une collectivité dans le cadre du plan numérique pour l’éducation. L’idée serait de lancer une expérimentation dans une ville afin d’articuler le scolaire et le périscolaire. Ce modèle s’il fonctionne pourrait se répliquer ailleurs. Mais là-dessus, et il n’est pas encore au courant, je vais demander conseil à Olivier Banus qui travaille à Réseau Canopé en région PACA et qui a une bonne connaissance de l’Éducation nationale !
Et puis en parallèle, j’aimerais pérenniser l’existant et construire une stratégie durable avec l’ensemble des partenaires locaux déjà mobilisés sur le projet.
Fanny Giraudeau.